De tous les âges de la vie, l’enfance et l’adolescence sont sans doute ceux qui fascinent le plus les écrivains. Ces périodes condensent la formation de l’identité, les premières découvertes et les blessures fondatrices. La littérature en fait tantôt des lieux de refuge, tantôt des terrains de heurts, toujours propices à la narration.
Longtemps, les auteurs ont vu dans l’enfant une figure de pureté. Rousseau, avec Émile, en fait le symbole d’une nature originelle, non corrompue par la société. Le romantisme s’en empare à son tour : l’enfant devient l’incarnation de la sincérité, parfois même porteur d’une vérité instinctive que les adultes ont perdue. Encore aujourd’hui, nombre de récits prolongent cette vision en décrivant l’enfance comme un espace de liberté et de rêve.
À côté de cette image lumineuse, d’autres œuvres soulignent la vulnérabilité de l’enfant face aux injustices. Dickens dénonce dans Oliver Twist la misère de l’Angleterre industrielle, tandis que Duras (L’Amant) ou Ernaux (Les Années) explorent les contraintes sociales et intimes qui pèsent sur les jeunes années. Ici, l’enfant n’est plus l’idéal, mais l’observateur précoce d’un monde dur, parfois hostile.
L’entrée dans l’adolescence introduit un basculement. Ce n’est plus l’innocence qui domine, mais le trouble : les premiers désirs, la révolte contre l’autorité, la quête d’identité. De Bonjour tristesse de Françoise Sagan à L’Attrape-cœurs de Salinger ou Kiffe kiffe demain de Faïza Guène, la littérature met en scène des personnages écartelés entre fragilité et clairvoyance, hésitant entre refus du monde adulte et envie d’y trouver une place.
Nombre d’écrivains choisissent de raconter à travers le regard de l’enfant ou de l’adolescent. Ce point de vue singulier mêle naïveté et acuité, et permet de revisiter des événements avec une intensité particulière. Modiano, Bazin ou Ernaux recourent à ce filtre pour interroger la mémoire et montrer combien la perception précoce marque durablement l’existence.
Si ces thèmes résonnent toujours, c’est sans doute parce qu’ils concernent chacun de nous. L’enfance et l’adolescence touchent à l’universel tout en restant profondément personnelles. Elles constituent un matériau narratif riche, capable de traduire aussi bien l’intime que les fractures collectives.