L’envie d’écrire naît souvent d’un besoin intérieur, d’un élan intime. On remplit des carnets, on aligne des paragraphes tard le soir, on construit des mondes entiers — en silence. Pourtant, quand vient le moment de partager ce travail, une inquiétude surgit : et si quelqu’un le lisait vraiment ?
Cette peur est rarement dite, encore moins assumée. Elle semble paradoxale, presque honteuse. Après tout, n’écrit-on pas pour être lu ? Et pourtant, la peur d’être lu est une réalité profonde chez de nombreux auteurs débutants.
Être lu, ce n’est pas seulement exposer un texte. C’est aussi — et surtout — se dévoiler. Même dans la fiction, les mots que l’on choisit, les thèmes que l’on aborde, les émotions que l’on décrit, sont autant de fenêtres ouvertes sur soi.
Le regard extérieur devient alors source de crainte : peur du jugement, peur de la moquerie, peur de ne pas être compris. Certains redoutent qu’un lecteur découvre “trop” de choses sur eux, d’autres s’imaginent que leur écriture n’est “pas assez bonne”.
Cette peur, souvent tue, est en réalité le signe que l’écriture compte. Elle traduit un lien fort entre l’auteur et son texte, un attachement sincère, presque organique. Et c’est justement cela qui rend la démarche littéraire si précieuse.
Chez Jets d'Encre, nous recevons régulièrement des manuscrits accompagnés de messages hésitants : “Je ne sais pas si ça vaut la peine”, “C’est la première fois que je montre mon travail”, “Soyez indulgents”. Ces mots ne sont pas faibles, ils sont courageux. Ils disent la fragilité, mais aussi la force d’avoir franchi un cap : celui d’oser se faire lire.
La peur d’être lu ne disparaît pas toujours. Même les auteurs confirmés la connaissent encore. La différence, c’est qu’ils ont appris à la dépasser, à ne plus la laisser les empêcher d’avancer.
Publier un texte, ce n’est pas livrer un produit parfait : c’est s’inscrire dans un dialogue, accepter la lecture, l’interprétation, parfois la critique. C’est entrer dans le mouvement de la littérature.
Nous pensons que le rôle d’un éditeur n’est pas seulement de sélectionner des textes. C’est aussi d’accueillir des voix, surtout celles qui émergent avec pudeur ou tremblement. Lire un manuscrit, c’est écouter une intention, un ton, une proposition. Ce n’est pas dresser un verdict, mais chercher ce qui, dans un texte, mérite d’être porté plus loin.
Alors oui, la peur d’être lu existe. Elle est normale. Elle peut même être saine. Mais elle ne doit pas empêcher d’envoyer son manuscrit. Car très souvent, ce que l’auteur craint de montrer est précisément ce qui mérite d’être lu.
Si vous écrivez en secret depuis des mois ou des années, si vous hésitez à faire lire votre travail, sachez que vous n’êtes pas seul·e. Ce trouble est partagé. Il ne vous disqualifie pas. Il vous relie à toute une communauté d’auteurs — débutants ou confirmés — qui savent ce que cela coûte de confier ses mots à autrui.
Nous sommes là pour vous lire. Avec attention, curiosité et respect.